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Monlave-vaisselle ou mon frigo est tombé en panne et je cherche une solution de dépannage : je fais appel à Murfy. Vous recherchez une solution de réparation pour votre électroménager et vous habitez la commune de Champigny-sur-Marne ou dans une commune voisine (Nogent-sur-Marne, Le Perreux-sur-Marne, Bry-sur-Marne, Villiers-sur-Marne, Joinville-le-Pont, Le Plessis-Trévise,
Un nombre alarmant de QuĂ©bĂ©cois meurent dans la solitude la plus complĂšte. Personne pour remarquer quâils ne sont plus de ce monde ; personne pour sâoccuper de leurs funĂ©railles et leur rendre un dernier hommage. Ils finissent dans des fosses communes, dans lâindiffĂ©rence presque totale. Comment en est-on arrivĂ©s lĂ ? Pour comprendre, notre journaliste a remontĂ© lâhistoire de quelques-uns de ces dĂ©funts oubliĂ©s. Richard le solitaire Lâodeur mâassaille dĂšs que je mâengage dans le couloir menant Ă lâappartement, au troisiĂšme Ă©tage dâun immeuble de logements sociaux pour personnes ĂągĂ©es, prĂšs du pont Jacques-Cartier, Ă MontrĂ©al. Un mĂ©lange de viande avariĂ©e, de camion Ă ordures et dâĂ©gouts. Un relent Ăącre et collant, qui semble sâincruster dans ma peau, sâaccrocher dans ma gorge, et qui me laissera les narines Ă vif, hypersensibles Ă toute odeur animale. Câest cette puanteur qui a inquiĂ©tĂ© les voisins et les a poussĂ©s Ă alerter les secours. Le 24 avril, lorsque les policiers sont entrĂ©s dans le logement, Richard J.* Ă©tait mort depuis dĂ©jĂ deux semaines. La dĂ©pouille de lâhomme de 62 ans vient dâĂȘtre emportĂ©e quand jâarrive sur les lieux, en compagnie des nettoyeurs chargĂ©s dâeffacer les traces du drame. AchevĂ© par une maladie coronarienne, il souffrait de plusieurs maux chroniques, apprendrai-je en lisant le rapport du coroner qui enquĂȘtera sur les circonstances du dĂ©cĂšs. Ă voir les Ă©claboussures rougeĂątres qui souillent le plancher du petit trois-piĂšces, sa mort nâa pas Ă©tĂ© paisible. Richard J. a luttĂ©. Il a dĂ» vomir du sang en jets explosifs, dâabord prĂšs de son lit, puis dans la salle de bains et, enfin, dans le salon. Câest lĂ , par terre, affaissĂ© sur son flanc, quâil a rendu son dernier souffle. Ă cet endroit, le sang sâest figĂ© en une couche Ă©paisse, visqueuse et texturĂ©e, dâun rouge sombre. Une mouche paresseuse sâattarde alentour. Au milieu de la tache, je dĂ©couvre une touffe de cheveux noirs, Ă©pais et drus comme ceux dâune vieille poupĂ©e, qui sont restĂ©s collĂ©s sur le parquet lorsque son corps a Ă©tĂ© emmenĂ©. Tout prĂšs, sur le sol, gĂźt le tĂ©lĂ©phone, son fil Ă demi engluĂ© dans la flaque coagulĂ©e. Peut-ĂȘtre Richard J. a-t-il tentĂ© dâappeler Ă lâaide dans ses derniers moments ? Il Ă©tait ben malade, me raconte sa voisine, Paulette Lalonde. Je lui avais dit âSi jamais vous vous sentez mal, vous avez juste Ă cogner dans le mur de votre chambre, je vais appeler quelquâun.â » Mais elle nâa rien entendu. Jâai Ă©tĂ© des jours Ă y penser, ajoute-t-elle, Ă©branlĂ©e. Sâil faut quâil ait pĂąti une couple de jours tout seul avant de mourir⊠» âąâąâą De plus en plus de QuĂ©bĂ©cois sâĂ©teignent dans la solitude, symptĂŽme dâune sociĂ©tĂ© oĂč lâon vit toujours plus chacun de son cĂŽtĂ©. Lorsque aucun membre de la famille ne se manifeste pour prendre en charge la dĂ©pouille, celle-ci est dĂ©clarĂ©e non rĂ©clamĂ©e », une Ă©tiquette administrative qui semble convenir davantage aux choses quâaux ĂȘtres. Dans certains cas, on ne retrouve personne dans lâentourage du dĂ©funt ; dans dâautres, des proches survivent mais refusent dâassumer la responsabilitĂ© des funĂ©railles. Le nombre de corps non rĂ©clamĂ©s a presque doublĂ© au QuĂ©bec au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, Ă©tant passĂ© de 213 en 2008 Ă 399 en 2016, selon les donnĂ©es fournies par le ministĂšre de la SantĂ© et des Services sociaux MSSS et par le Bureau du coroner, les deux entitĂ©s qui gĂšrent ces cadavres. Dans lâintervalle, le nombre total de dĂ©cĂšs nâa progressĂ© que de 11 %. Le QuĂ©bec dĂ©tient dâailleurs le record canadien Ă ce chapitre, enregistrant plus de morts non rĂ©clamĂ©s que toute autre province, y compris lâOntario. Si on calcule leur moyenne annuelle depuis 2008, le nombre de cas au QuĂ©bec dĂ©passe de 29 % celui de sa voisine ontarienne. Or, lâĂtat quĂ©bĂ©cois se soucie peu du dernier repos des esseulĂ©s. Ici, contrairement Ă dâautres instances au Canada et aux Ătats-Unis, lâĂtat est trop chiche pour offrir une sĂ©pulture digne aux gens qui meurent sans rien ni personne. Ils finissent presque tous inhumĂ©s sans cĂ©rĂ©monie dans une fosse commune, sans une parole ou une priĂšre pour les saluer, sans la moindre plaque qui les identifie. OubliĂ©s de leur vivant, anonymes dans la mort. âąâąâą Tout prĂšs, sur le sol, gĂźt le tĂ©lĂ©phone, son fil Ă demi engluĂ© dans la flaque coagulĂ©e. Peut-ĂȘtre Richard J. a-t-il tentĂ© dâappeler Ă lâaide dans ses derniers moments ? Les deux employĂ©s de lâentreprise Dryco sâattellent Ă nettoyer ce qui reste de lâagonie de Richard J. Couverts dâun survĂȘtement de plastique blanc Ă capuchon, de gants de caoutchouc et dâun masque respiratoire, Nathalie Drouin et FrĂ©dĂ©ric Tremblay qui forment aussi un couple ont lâair de techniciens de laboratoire affrontant un dangereux virus. Suant Ă grosses gouttes dans cet attirail, FrĂ©dĂ©ric dĂ©monte au marteau et au pied-de-biche les lattes rougies de sang du parquet, puis Nathalie, Ă quatre pattes, armĂ©e de dĂ©sinfectant, de torchons et dâune simple brosse, frotte le sous-plancher oĂč les fluides corporels se sont infiltrĂ©s. Un purificateur dâair et un diffuseur dâhuiles essentielles resteront en marche toute la nuit pour Ă©liminer ce qui subsiste dâodeurs et de contaminants. Maladroite et suffoquant dans lâĂ©quipement protecteur que jâai revĂȘtu moi aussi, je circule dans lâappartement sans trop savoir oĂč mettre les pieds. Richard J. y avait mis du sien pour amĂ©nager un logis agrĂ©able, propre, impeccablement rangĂ©. Des bibelots Ă lâeffigie de JĂ©sus et de Marie sont disposĂ©s un peu partout. Dans le salon, des poissons rouges vivotent encore dans les trois aquariums qui emplissent les lieux dâun glouglou insistant. Des figurines dâanimaux en laiton forment un joli troupeau sur le manteau de la cheminĂ©e. Dans la chambre, un chiot en peluche monte la garde sur le lit une place. Qui sait de quoi son quotidien Ă©tait fait. Il vivait de lâaide sociale, souffrait de diabĂšte, dâhypertension et dâalcoolisme, se nourrissait probablement peu ou mal. Des boĂźtes de soupe aux pois et de jus de tomate sâentassent dans le garde-manger ; le frigo, presque vide, ne contient que deux grosses bouteilles de biĂšre, un sac dâoignons, du beurre dâarachides et quelques condiments. Sa voisine Paulette Lalonde le voyait de temps en temps sortir se balader sur son triporteur. Quand il faisait beau, il partait de bonne heure et il revenait juste le soir. » Elle se souvient dâun homme gentil et courtois, qui lui avait fait don de deux chaises en fer forgĂ© en pensant quâelle pourrait sâen servir pour recevoir. Lui nâavait jamais de visite, dit-elle. Il avait lâair ben gĂȘnĂ©. Tu lui posais une question, il rĂ©pondait juste le strict nĂ©cessaire. » Richard avait lâhabitude dâĂ©couter la radio ou de fumer de la mari sur le balcon minuscule, et alors ils Ă©changeaient quelques mots, de part et dâautre dâune cloison qui les empĂȘchait de se voir. Un jour, pourtant, Richard J. a dĂ» compter pour quelquâun. Sur la commode, un tout petit cadre dorĂ© en forme de cĆur abrite une photo fanĂ©e, oĂč deux mariĂ©s en tenues dâune autre Ă©poque, arborant un demi-sourire, se tiennent par la main. CâĂ©tait le 24 aoĂ»t 1974. Il nâavait pas 20 ans. Tous Ă risque En sept ans Ă travailler ensemble sur ces chantiers funestes, Nathalie Drouin et FrĂ©dĂ©ric Tremblay ont vu de prĂšs la solitude qui se cache au sein des quartiers densĂ©ment peuplĂ©s de la mĂ©tropole. Certains cas les hantent plus que dâautres, comme cette personne oubliĂ©e depuis si longtemps que ses entrailles liquĂ©fiĂ©es suintaient Ă lâĂ©tage du dessous, ou ce logis ayant servi de tombeau Ă quelquâun pendant 18 mois, et dont les fenĂȘtres Ă©taient noires de mouches. Sans parler des accumulateurs compulsifs, ces ĂȘtres malades qui meurent parmi les dĂ©chets et la vermine. Notre premier rĂ©flexe, quand on rentre dans un logement, câest de retourner les photos, dit Nathalie. On ne veut pas voir câest qui. Sinon, câest plus pĂ©nible. » Difficile de dire exactement qui est Ă risque de mourir abandonnĂ©, puisque le provincial ne tient pas de statistiques dĂ©taillĂ©es Ă ce propos. Le Bureau du coroner, qui traite bon an, mal an environ 20 % de ces dĂ©funts, maintient sur son site Internet une liste de personnes non rĂ©clamĂ©es, dans lâespoir quâun jour quelquâun les revendiquera. Le coroner intervient lorsque les causes du dĂ©cĂšs sont obscures, violentes ou liĂ©es Ă de la nĂ©gligence, ou lorsque lâidentitĂ© dâun mort est inconnue ; les autres cas sont sous la responsabilitĂ© du ministĂšre de la SantĂ© et des Services sociaux. Sur 304 noms inscrits depuis 2014, 85 % sont des hommes ; les 60 Ă 69 ans sont le groupe dâĂąge le plus reprĂ©sentĂ©, suivis des 50 Ă 59 ans ; prĂšs de la moitiĂ© habitaient Ă MontrĂ©al, moins de 10 % Ă QuĂ©bec et 3 % Ă Laval. On nâen sait pas beaucoup plus. Photo Leda&St-Jacques Lâune des rares Ă©tudes exhaustives sur le sujet, publiĂ©e en 2016 dans le Journal of Forensic Sciences, a Ă©tĂ© menĂ©e Ă Indianapolis, une ville Ă peu prĂšs de la taille dâOttawa, dans le Midwest amĂ©ricain. Les chercheurs ont passĂ© en revue tous les dossiers de corps non rĂ©clamĂ©s rĂ©pertoriĂ©s de 2004 Ă 2011. Leur analyse confirme que le phĂ©nomĂšne touche disproportionnellement les hommes, ainsi que les gens malades, pauvres et isolĂ©s », Ă©crivent-ils. Ces personnes meurent beaucoup plus jeunes que les autres, Ă 58 ans en moyenne, et pĂ©rissent en majoritĂ© Ă la maison plutĂŽt quâĂ lâhĂŽpital, Ă lâinverse de la population gĂ©nĂ©rale. Un certain nombre dâitinĂ©rants 13 % des cas et de vĂ©tĂ©rans 16 % comptent parmi les victimes, de mĂȘme que des prisonniers, des ex-dĂ©tenus et des prostituĂ©s. La plupart ont succombĂ© Ă des troubles cardiaques 43 % ou aux consĂ©quences de la consommation dâalcool ou de drogues 22 % ; 8 % se sont suicidĂ©s ; 2 % sont morts gelĂ©s. Cela dit, pas besoin dâĂȘtre marginal ou sans le sou pour se retrouver seul Ă la fin de sa vie. Le simple passage du temps rend vulnĂ©rables ceux qui, autrefois, ont eu des vies sociales remplies, des carriĂšres fructueuses. Certains dâentre nous vivront assez vieux pour que ceux que nous aimons, nos frĂšres, nos sĆurs, voire nos enfants, si nous en avons, soient dĂ©jĂ tous morts ou trop diminuĂ©s pour veiller sur nous. Ăa va bien au-delĂ de lâindividualisme des familles , explique Caroline Sauriol, directrice gĂ©nĂ©rale des Petits FrĂšres, un organisme qui accompagne les personnes seules de 75 ans et plus. Il y a une vague de fond dĂ©mographique, du fait de lâallongement de la vie. On a ajoutĂ© lâĂ©quivalent dâune gĂ©nĂ©ration complĂšte au bout. » Ainsi, une personne ĂągĂ©e sur cinq au pays manque de compagnie, se sent tenue Ă lâĂ©cart ou isolĂ©e, selon un rapport de 2012 de Statistique Canada. Mourir seul, câest aussi ça, poursuit Caroline Sauriol. Si on nâa personne Ă appeler en cas dâurgence, si on a lâimpression que personne ne va se souvenir de nous, que personne ne va ĂȘtre attristĂ© parce quâon est dĂ©cĂ©dĂ©, câest une souffrance immense, et ça peut durer des annĂ©es. Câest comme si on Ă©tait oblitĂ©rĂ© de la face de la terre avant mĂȘme dâĂȘtre mort. » Mais on peut aussi mourir seul dans la fleur de lâĂąge. RenĂ© Sanschagrin nâavait que 27 ans lorsquâil est mort sans ĂȘtre rĂ©clamĂ©, Ă QuĂ©bec, en 2015. On peut mĂȘme mourir seul dans un village oĂč tout le monde est censĂ© se connaĂźtre Ă Grand-Saint-Esprit, par exemple, bourgade de 500 Ăąmes oĂč demeurait Martin Vachon lorsquâil est dĂ©cĂ©dĂ©, en 2015, Ă lâĂąge de 42 ans. Lui non plus, personne nâen a voulu. Norbert lâinvisible Toutes les cultures depuis lâAntiquitĂ© rĂ©servent Ă leurs dĂ©funts des au revoir publics, hautement ritualisĂ©s. De tout temps, les rites funĂ©raires ont eu une double finalitĂ© accompagner les survivants dans leur traversĂ©e du deuil, et assurer le devenir corporel et spirituel du dĂ©funt, explique lâethnologue Martine Roberge, professeure au DĂ©partement des sciences historiques de lâUniversitĂ© Laval. Assigner une derniĂšre demeure Ă quelquâun, câest lâinscrire dans sa communautĂ© au-delĂ de la mort. » De nos jours, les sĂ©pultures collectives ou anonymes sont plutĂŽt associĂ©es aux situations de crise â les guerres, les Ă©pidĂ©mies ou les catastrophes naturelles â, qui tuent trop de gens trop vite pour quâon sâarrĂȘte Ă chacun ou qui rendent leur identification impossible. Ce nâest pas dans lâordre des choses. Norbert M.* est arrivĂ© au cimetiĂšre par le garage, dans la boĂźte de carton qui lui sert de cercueil, neuf jours aprĂšs sa mort dâune cirrhose dâorigine alcoolique Ă lâhĂŽpital Saint-Luc, Ă MontrĂ©al. En ce matin dâhiver, dans le crĂ©matorium du Repos Saint-François dâAssise, il gĂźt sur une table Ă©lĂ©vatrice, prĂȘt Ă sâengouffrer dans lâun des trois fours que dissimulent des portes mĂ©talliques. Ă la pression dâun bouton, celle du milieu se lĂšve, et le prĂ©posĂ© pousse la boĂźte dans la cavitĂ© oblongue oĂč jailliront bientĂŽt des flammes dâun orange Ă©blouissant. Il avait 64 ans, et il Ă©tait sans-abri. Pour nous, câest un dĂ©funt comme les autres, prĂ©cise Robert McDuff, le responsable du service Ă la clientĂšle qui mâaccompagne dans les coulisses du cimetiĂšre. La procĂ©dure, le respect sont les mĂȘmes pour tout le monde, rĂ©clamĂ© ou non rĂ©clamĂ©. Ce qui change, câest oĂč il va aboutir. » Dans ces espaces dâallure industrielle, loin des gerbes de fleurs, des tentures de velours et de lâĂ©clairage tamisĂ© qui enveloppent la mort dâune atmosphĂšre solennelle, la disposition des corps est rĂ©duite Ă sa plus simple expression. Une nĂ©cessitĂ© hygiĂ©nique et administrative, sans artifice. Au sous-sol, dans une des salles rĂ©frigĂ©rĂ©es oĂč sont stockĂ©s les cadavres en attente dâĂȘtre incinĂ©rĂ©s, on garde un grand coffre rudimentaire en fibre de bois agglomĂ©rĂ©. Câest lĂ -dedans quâon empile les urnes funĂ©raires des dĂ©funts non rĂ©clamĂ©s, au fur et Ă mesure que leurs cendres sortent du crĂ©matorium de banals contenants de carton au fini bleu imitant le marbre, Ă©tiquetĂ©s et cordĂ©s comme des paquets quâon sâapprĂȘterait Ă expĂ©dier quelque part. Il en rentrera une centaine Ă lâintĂ©rieur. Quand son corps aura Ă©tĂ© rĂ©duit en poussiĂšre, Norbert M. viendra les y rejoindre. Et dans six mois, lorsque la caisse sera pleine, la centaine dâurnes seront transfĂ©rĂ©es dans quatre boĂźtes de bois plus petites mais tout aussi rustiques, puis ensevelies toutes en mĂȘme temps, dans la section 6D du cimetiĂšre, rĂ©servĂ©e aux morts orphelins. Cette Ă©tendue dĂ©nudĂ©e, aussi vaste quâun pĂątĂ© de maisons, forme un vide incongru au milieu de lâagglomĂ©ration de pierres tombales. Pas une croix, pas un bouquet ni un caillou ne laissent entrevoir que sous cette surface muette dorment les restes de 1 264 personnes. Depuis une dizaine dâannĂ©es, la majoritĂ© des corps non rĂ©clamĂ©s de la grande rĂ©gion de MontrĂ©al finissent dans ce terrain du Repos Saint-François dâAssise, dans lâest de la ville son directeur gĂ©nĂ©ral, Richard Prenevost, sâattend Ă en recevoir encore 150 cette annĂ©e. Les corps traitĂ©s par le Bureau du coroner, quant Ă eux, aboutissent plutĂŽt au cimetiĂšre de Laval ils sont placĂ©s dans de simples cercueils en MDF et enterrĂ©s, cinq ou six Ă la fois, dans une bande de terre dĂ©garnie quâon croirait vacante, coincĂ©e en bordure du cimetiĂšre le coroner proscrit la crĂ©mation dans ces cas-lĂ . Chaque dĂ©pouille est nĂ©anmoins rigoureusement identifiĂ©e et son emplacement exact, consignĂ© dans un registre informatisĂ©. La mĂ©moire de ces personnes, on a le devoir de la conserver pour la postĂ©ritĂ©, explique Richard Prenevost. Le terrain est cadastrĂ©, et chaque urne renferme un jeton en acier inoxydable avec un numĂ©ro de rĂ©fĂ©rence. Alors, on sait exactement oĂč se trouve chaque dĂ©funt. Si un jour un membre de la famille reconnaĂźt un parent, on sera en mesure dâaller lâexhumer. » Jusquâici, ça ne sâest jamais produit. âąâąâą Originaire du Nouveau-Brunswick, Norbert M. semble avoir vĂ©cu dans les rues de MontrĂ©al sans laisser dâempreinte, Ă©vanescent. Les dossiers de La Maison du PĂšre, lâun des grands refuges pour sans-abris de la mĂ©tropole, indiquent quâil sây arrĂȘtait une fois de temps en temps, depuis une vingtaine dâannĂ©es, pour encaisser son chĂšque dâaide sociale. Il nâa passĂ© la nuit au dortoir quâen de rares occasions, et pas du tout entre 2006 et 2016. Il y avait dormi la derniĂšre fois le 14 janvier, six semaines avant de mourir, sans avoir pu payer le tarif symbolique dâun dollar et en refusant de se faire photographier. Câest un de nos invisibles, dit le directeur gĂ©nĂ©ral, François Boissy. On les appelle nos fantĂŽmes, ceux qui longent les murs, que tu ne vois pas nĂ©cessairement parce quâils ne dĂ©rangent pas, ne veulent pas de suivi. Ils viennent sâapaiser, chercher un peu de chaleur et de rĂ©confort, puis ils repartent dans leurs petites affaires. » Norbert apparaĂźt tout aussi sporadiquement dans les archives des missions Bon Accueil et Old Brewery, deux autres refuges pour itinĂ©rants de la mĂ©tropole une nuit ici et lĂ certaines annĂ©es, puis plus rien pendant de longues pĂ©riodes. LĂ non plus, il nâa produit aucune impression marquante, et personne dans ces organismes ne se souvient de lui. Un Ătat trop chiche ? Quand il Ă©voque ces laissĂ©s-pour-compte, Richard Prenevost, du Repos Saint-François dâAssise, est pris dâune telle Ă©motion que ses yeux sâinondent et ses mots sâembourbent dans sa gorge. La modeste sĂ©pulture quâil leur offre est aux frais du cimetiĂšre ; lâentreprise ne touche aucuns deniers publics pour cet ouvrage. On se prive de plusieurs dizaines de milliers de dollars par an, prĂ©cise-t-il. Mais on est un cimetiĂšre catholique ; la compassion fait partie de notre mission. Chaque fois quâon en reçoit, ça vient nous chercher, mĂȘme si câest notre mĂ©tier. On accueille ici 3 600 dĂ©funts par annĂ©e, mais ces cas-lĂ nous touchent particuliĂšrement. On se demande depuis combien de temps ils Ă©taient seuls. Peut-ĂȘtre que la vie a Ă©tĂ© dure pour eux, et ils finissent comme ça. » LâĂ©tablissement ne peut se permettre de faire des obsĂšques Ă chacun, mais tous les ans, en septembre, dans le champ oĂč ils sont enfouis, une cĂ©rĂ©monie est cĂ©lĂ©brĂ©e en leur honneur par lâabbĂ© Claude Paradis, un toxicomane et sans-abri rĂ©formĂ© qui Ćuvre auprĂšs des gens de la rue. Plus dâune centaine de personnes y ont assistĂ© lâautomne dernier sous un soleil radieux, y compris des itinĂ©rants venus saluer leurs compagnons, et la moitiĂ© des employĂ©s du cimetiĂšre. Ă la fin, 100 papillons monarques, livrĂ©s dans de petites boĂźtes dans lesquelles il fallait souffler pour les rĂ©veiller, ont pris leur envol. Certains dâentre nous vivront assez vieux pour que ceux que nous aimons, nos frĂšres, nos sĆurs, voire nos enfants, si nous en avons, soient dĂ©jĂ tous morts ou trop diminuĂ©s pour veiller sur nous. Juste Ă temps pour la commĂ©moration, le Repos Saint-François dâAssise a fait un geste de plus pour contrer lâoubli. Trois blocs de granit dĂ©diĂ©s Ă la mĂ©moire de ces disparus sont dĂ©sormais plantĂ©s, humbles et solitaires, dans un coin du terrain. Aucun nom ne figure sur la pierre, seulement quelques pensĂ©es, dont ces mots de Voltaire Puissent tous les hommes se rappeler quâils sont frĂšres. » âąâąâą QuĂ©bec alloue un maximum de 600 dollars pour la disposition dâun corps non rĂ©clamĂ©, 341 dollars sâil sâagit dâun bĂ©bĂ© mort-nĂ©. La somme est payĂ©e Ă la maison funĂ©raire qui rĂ©cupĂšre la dĂ©pouille sur le lieu du dĂ©cĂšs, la conserve dans ses installations rĂ©frigĂ©rĂ©es le temps que sâaccomplissent les formalitĂ©s, et sâarrange pour la faire inhumer. La somme est prĂ©levĂ©e Ă mĂȘme la succession, mais si les biens laissĂ©s par la personne ne suffisent pas Ă couvrir la note, câest lâĂtat qui paie. En tout, le ministĂšre de la SantĂ© et des Services sociaux dĂ©pense un peu plus de 200 000 dollars par an pour le dernier repos des sans-familles 210 629 dollars en 2016 et 226 853 dollars en 2015, prĂ©cise le MSSS. Six cents dollars, dans le domaine mortuaire, câest une misĂšre. Ăa ne couvre mĂȘme pas la moitiĂ© de ce que ça peut nous coĂ»ter », estime Denis Desrochers, prĂ©sident de la Corporation des thanatologues du QuĂ©bec, qui regroupe 500 professionnels issus de 125 entreprises du secteur. Selon un sondage rĂ©alisĂ© en 2016 auprĂšs de ses membres, le prix moyen dâune crĂ©mation seule, sans autre rite, atteint 2 280 dollars ; si on ajoute une urne, une cĂ©rĂ©monie et deux heures de visite au salon, la facture monte Ă 3 800 dollars ; pour des funĂ©railles traditionnelles incluant, en plus de tout ça, lâembaumement et lâexposition dans un cercueil de location, il faut compter en moyenne 5 669 dollars. Dâautres provinces sont franchement plus gĂ©nĂ©reuses envers leurs morts orphelins. En Ontario, ce sont les municipalitĂ©s qui ont la charge de ces enterrements. Le budget quâelles y consacrent est laissĂ© Ă leur discrĂ©tion, mais les lignes directrices de lâĂtat ontarien prĂ©voient 2 250 dollars par corps â presque quatre fois plus quâau QuĂ©bec. Certaines localitĂ©s dĂ©boursent mĂȘme davantage que la somme recommandĂ©e Ă Toronto, par exemple, oĂč se concentrent plus de la moitiĂ© des morts non rĂ©clamĂ©s de la province, on accorde environ 3 000 dollars pour chacun, prĂ©cise Anna Fiorino, de la Division des services sociaux et dâemploi de la Ville. La somme suffit pour leur creuser une tombe individuelle, identifiĂ©e par un marqueur numĂ©rotĂ©, et permet mĂȘme parfois de leur offrir des heures de visite au salon et un service funĂšbre prononcĂ© par un ministre du culte. Le QuĂ©bec fait Ă©galement pĂąle figure par rapport Ă lâAlberta. LĂ -bas, le ministĂšre des Services communautaires et sociaux verse 2 300 dollars pour couvrir les arrangements funĂ©raires de base des esseulĂ©s câest-Ă -dire le transport, lâentreposage et la prĂ©paration du corps ; Ă cela sâajoutent plusieurs centaines de dollars pour lâachat dâun cercueil, lâenterrement dans une fosse individuelle et aussi, Ă lâoccasion, une cĂ©rĂ©monie. La Colombie-Britannique, quant Ă elle, accorde 1 285 dollars pour les frais funĂ©raires essentiels, plus ce quâil en coĂ»te pour incinĂ©rer le dĂ©funt et mettre ses cendres en terre. En Saskatchewan, lâĂtat dĂ©bourse, selon les circonstances, de 2 100 Ă 4 425 dollars. Au QuĂ©bec, les autoritĂ©s concernĂ©es ne semblent pas se prĂ©occuper outre mesure de ces gigantesques disparitĂ©s. Le ministĂšre de la SantĂ© et des Services sociaux ne projette pas de dĂ©bloquer plus dâargent dans un avenir rapprochĂ©, selon sa porte-parole Caroline Gingras. Le montant a Ă©tĂ© majorĂ© de 50 dollars en avril 2017 », a-t-elle fait savoir par courriel. QuĂ©bec alloue un maximum de 600 dollars pour la disposition dâun corps non rĂ©clamĂ©. Ăa ne couvre mĂȘme pas la moitiĂ© de ce que ça peut nous coĂ»ter. » En attente Avant dâĂȘtre classĂ© parmi les non rĂ©clamĂ©s, un corps doit franchir une sĂ©rie de jalons dans la bureaucratie mortuaire. La famille doit renoncer par Ă©crit Ă prendre possession de la dĂ©pouille, ou bien un service de police, aprĂšs avoir fait enquĂȘte, doit arriver Ă la conclusion quâaucun proche ne peut ĂȘtre trouvĂ©. Un enquĂȘteur signe alors une dĂ©claration sous serment standard oĂč il affirme que, suite Ă des recherches approfondies [âŠ], il nous fĂ»t [sic] impossible de retracer un membre de sa parentĂ© ». Ă ce stade, un tiers â que ce soit un ami, un voisin ou un organisme de charitĂ© â peut intervenir pour rĂ©clamer le dĂ©funt et lui organiser des obsĂšques Ă ses frais. Des organisations comme La Maison du PĂšre et Les Petits FrĂšres, notamment, le font pour certaines des personnes quâelles ont prises sous leur aile. Dans des cas plus rares, il arrive aussi que ces cadavres soient remis aux facultĂ©s de mĂ©decine ou Ă lâĂ©cole de thanatologie du CollĂšge Rosemont, qui sâen servent dans leur enseignement. Mais si personne ne se manifeste, il ne reste quâune issue possible. Ă la rĂ©ception du document de la police ou du formulaire de refus signĂ© par la famille, le ministĂšre de la SantĂ© et des Services sociaux autorise la maison funĂ©raire qui hĂ©berge le mort Ă procĂ©der. Son sort est scellĂ© par courriel, en quelques lignes machinales envoyĂ©es par lâune des deux fonctionnaires responsables du dossier au MinistĂšre Nous vous autorisons Ă disposer du corps non rĂ©clamĂ© de la personne mentionnĂ©e ci-dessous. Veuillez faire parvenir votre facture Ă lâadresse indiquĂ©e. » Cet Ă©change officiel masque des opĂ©rations dĂ©licates qui nâont rien de protocolaire. La police peut mettre quelques jours, plusieurs semaines, voire des mois avant de clore ses recherches sur la famille. Pendant ce temps, le corps â quâon dit alors en attente de statut » â vĂ©gĂšte dans une salle rĂ©frigĂ©rĂ©e et, peu Ă peu, malgrĂ© le froid, il se dĂ©compose. Il faut prendre des prĂ©cautions pour minimiser toutes les Ă©tapes de dĂ©gradation, souligne Patrice Chavegros, vice-prĂ©sident aux ventes et au service Ă la clientĂšle chez Magnus Poirier. Ăa demande du personnel, une expertise, de lâĂ©quipement. » Jusquâen 2005, câĂ©tait le Bureau du coroner qui sâoccupait de lâensemble de ces dĂ©pouilles, mais leur nombre a tellement augmentĂ© quâil manquait dâespace dans ses propres morgues pour les accueillir. Des considĂ©rations juridiques autant que pratiques, de coĂ»ts et dâespace, ont mis fin Ă cette façon de faire, mâexplique la coroner en chef, Catherine Rudel-Tessier. Si une catastrophe survient et que 15 personnes nous arrivent dâun coup, il faut quâon ait de la place dans nos frigos. » Nây sont dĂ©sormais conservĂ©es que les personnes mortes dans des circonstances louches ou violentes, qui requiĂšrent une identification ou une enquĂȘte dâun coroner. Les hĂŽpitaux peuvent garder leurs morts dans leurs propres installations frigorifiques, mais les CHSLD et autres rĂ©sidences pour aĂźnĂ©s nâont pas ce genre dâinfrastructure. Les maisons funĂ©raires ont dĂ» prendre le relais. âąâąâą Tous les QuĂ©bĂ©cois ont droit Ă une aide financiĂšre de lâĂtat pour couvrir leurs frais funĂ©raires. Le RĂ©gime de rentes du QuĂ©bec RRQ prĂ©voit une prestation de dĂ©cĂšs de 2 500 dollars, ou encore, si le dĂ©funt nâa pas assez cotisĂ© dans sa vie pour y ĂȘtre admissible et quâil est sans le sou, une allocation Ă©quivalente peut ĂȘtre versĂ©e par lâintermĂ©diaire du programme dâaide sociale. Le hic, câest que ces allocations ne sont accessibles quâĂ la personne ou Ă lâorganisme de charitĂ© qui paie les obsĂšques. Les entreprises funĂ©raires ne peuvent dâaucune maniĂšre mettre la main dessus, contrairement aux associations caritatives comme La Maison du PĂšre ou Les Petits FrĂšres. Ainsi, quiconque nâa personne pour agir en son nom aprĂšs sa mort se voit privĂ© de ce soutien. La Corporation des thanatologues du QuĂ©bec cherche donc Ă rĂ©cupĂ©rer ces fonds pour les mettre au service des gens abandonnĂ©s. Le regroupement a mis sur pied Ă cet effet la Fondation Dernier Hommage, en 2013 dans le cadre dâun projet-pilote, celle-ci tente actuellement dâobtenir des prestations de dĂ©cĂšs pour quatre dĂ©funts non rĂ©clamĂ©s. Mais ce nâest pas gagnĂ©. On voudrait, par la fondation, faire en sorte que les entreprises membres aient accĂšs aux prestations pour pouvoir offrir un rituel relativement digne Ă ces personnes. Une cĂ©rĂ©monie quelconque en chapelle, une commĂ©moration individuelle, prĂ©cise la directrice gĂ©nĂ©rale, Annie Saint-Pierre. Pour le moment, le ministĂšre du Travail, de lâEmploi et de la SolidaritĂ© sociale ne reconnaĂźt pas la fondation comme un organisme de charitĂ© qui pourrait en bĂ©nĂ©ficier. On est en dialogue avec le gouvernement Ă ce sujet. » Occupez-vous-en » De plus en plus souvent, les dĂ©funts aboutissent dans une fosse commune non pas parce quâils sont sans famille, mais parce que la leur a renoncĂ© Ă leur dĂ©pouille. Câest ce qui est arrivĂ© Ă Norbert M., le sans-abri fantĂŽme son frĂšre sâest prĂ©sentĂ© Ă lâhĂŽpital dĂšs le lendemain de son dĂ©cĂšs pour signer le refus de rĂ©clamation. Dans le cas de Richard J., lâhomme aux aquariums dont jâai visitĂ© lâappartement deux semaines aprĂšs sa mort, câest lâun de ses fils qui a signĂ©. Parmi les morts non rĂ©clamĂ©s qui passent chez Magnus Poirier, la moitiĂ© ont de la parentĂ© qui a refusĂ© de sâoccuper de leur corps, estime la responsable du dossier et directrice des opĂ©rations, GeneviĂšve Poirier. Ce nâest pas forcĂ©ment par mauvaise volontĂ© que les proches abdiquent, observe-t-elle. Nombre dâentre eux sont dĂ©munis, affaiblis par la vieillesse ou la maladie. Souvent, les gens apprennent le dĂ©cĂšs dâune personne avec qui ils nâont pas eu de contact depuis des dizaines dâannĂ©es, ou la personne retrouvĂ©e est elle-mĂȘme extrĂȘmement ĂągĂ©e et hypothĂ©quĂ©e. Tâas beau vouloir, mais avant de tâavancer dans des paiements de frais funĂ©raires, il faut que tu te mettes Ă jour. Et ces personnes dĂ©cĂšdent souvent sans aucun papier, pas de testament, rien. Et lĂ , il faut faire ci, faire ça, appeler ici, Ă©crire lĂ . Les gens prennent peur », explique-t-elle de sa maniĂšre placide et mesurĂ©e, qui doit apaiser les endeuillĂ©s. Photo Leda&St-Jacques Beaucoup abandonnent devant la lourdeur des dĂ©marches quâil faut entreprendre auprĂšs de lâadministration publique pour obtenir lâaide financiĂšre qui leur permettrait dâassumer le coĂ»t des funĂ©railles. Dâautres dĂ©chantent quand ils dĂ©couvrent que la prestation de dĂ©cĂšs de 2 500 dollars ne suffira pas Ă couvrir toutes les dĂ©penses. Le montant nâa pas Ă©tĂ© indexĂ© ni revu depuis 20 ans, dĂ©plore Annie Saint-Pierre, de la Corporation des thanatologues. Câest dur, les mots quâon entend dans nos entreprises âĂ ce compte-lĂ , Ă 2 500 dollars, jâaime autant laisser faire, occupez-vous-en.â » Mais il nây a pas que le manque de moyens qui est en cause. Il est vrai aussi que les familles se disloquent et sâĂ©parpillent. Manon St-Pierre, sergente-dĂ©tective au Service de police de la Ville de MontrĂ©al, est en premiĂšre ligne pour le constater. Lâune des deux enquĂȘteuses affectĂ©es Ă cette tĂąche dans la Division Sud, qui englobe le centre-ville et ses environs, câest sur son bureau quâatterrissent les dossiers, en moyenne cinq ou six par semaine, quand les membres de la famille dâun dĂ©funt sont introuvables. Lorsquâelle parvient enfin Ă les joindre, au bout de quelques jours ou de quelques semaines de recherche, et quâelle les informe du dĂ©cĂšs dâun proche qui leur est devenu Ă©tranger, ils absorbent le choc puis, bien souvent, ils lui dĂ©ballent lâhistoire familiale. Des parents qui ont tournĂ© le dos Ă leur enfant. Des enfants qui ont Ă©vincĂ© leurs parents de leur vie. Des frĂšre et sĆur sans nouvelles lâun de lâautre depuis une dĂ©cennie. Les disputes qui, Ă la longue, sâĂ©rigent en murailles. La violence, la toxicomanie. Ou lâĂ©tiolement tristement banal des liens qui nâont pas rĂ©sistĂ© aux dĂ©mĂ©nagements et aux divorces. Lorsquâils acceptent la responsabilitĂ© du corps, la dĂ©tective les envoie Ă la maison funĂ©raire qui le loge ; lorsquâils la dĂ©clinent, elle leur fait signer le formulaire de dĂ©sistement. Je peux totalement comprendre les gens qui font ce choix-lĂ , affirme-t-elle, assise dans un bureau du centre opĂ©rationnel. Les familles prennent leur dĂ©cision en fonction de leurs valeurs. Je leur dis tout le temps âMoi, je ne porte pas de jugement, allez-y avec votre cĆur.â » Avec son air rĂ©servĂ©, flegmatique, et ce fond de mĂ©lancolie dans ses yeux clairs, ce nâest pas Ă©tonnant quâelle attire les confidences. Jâai lâimpression, depuis que je suis Ă ce poste-lĂ , de ne mĂȘme plus faire de la police. Ăa a un cĂŽtĂ© trĂšs humanitaire. Câest comme si je me sentais la porte-parole de ces personnes-lĂ pour faire ce quâelles auraient dĂ» faire avant de mourir. Des fois, on apprend des choses sur des gens pour qui on fait le travail, mais regarde⊠je ne sais pas ce qui sâest passĂ© dans leur vie pour quâils se rendent lĂ . Je donne exactement le mĂȘme effort pour tout le monde. » Sur la piste dâun proche, la policiĂšre peut dĂ©ployer les mĂȘmes techniques quâelle utiliserait pour dĂ©busquer un suspect. Si elle ne trouve pas le nom ou les coordonnĂ©es dâun parent dans les effets personnels du dĂ©funt, elle interroge lâentourage, scrute des bases de donnĂ©es, obtient des renseignements auprĂšs dâautres organisations. Plus quâauparavant, son travail implique aussi de fouiller sur dâautres continents, dans les pays dâorigine des immigrants qui se sont Ă©tablis seuls au Canada et y sont morts sans avoir fondĂ© de famille. Interpol lui sert alors dâintermĂ©diaire pour entrer en contact avec des policiers locaux, qui effectuent leurs propres recherches sur le terrain. Il y a des pays, en Afrique ou en Asie, oĂč câest plus complexe, oĂč je sais de prime abord que je nâaurai jamais de retour, parce quâils nâont aucune structure. On fait la demande pareil, explique-t-elle. Je me mets Ă la place dâune famille qui aurait voulu prendre en charge la dĂ©pouille, mais qui nâĂ©tait mĂȘme pas au courant du dĂ©cĂšs parce que je nâai pas Ă©tĂ© jusquâau bout. Je mâen voudrais. » Margaret lâexilĂ©e Un jour de lâautomne 2016, Manon St-Pierre a dĂ» sâavouer vaincue. Presque trois mois sâĂ©taient Ă©coulĂ©s depuis la mort de Monika Margaret Sarkar, une femme de 61 ans rĂ©sidente dâun HLM de Pointe-Saint-Charles, et ses efforts demeuraient vains. Le 2 dĂ©cembre, la dĂ©tective sâest rĂ©solue Ă signer la dĂ©claration sous serment mettant officiellement un terme Ă ses recherches de famille ; la semaine suivante, la fonctionnaire du ministĂšre de la SantĂ© a dĂ©livrĂ© lâautorisation de disposer du corps. Les restes de Margaret allaient finir empaquetĂ©s avec les autres cartons de cendres dans la caisse en bois du Repos Saint-François dâAssise. CâĂ©tait une question de jours. Des fois, on apprend des choses sur des gens pour qui on fait le travail, mais regarde⊠Je ne sais pas ce qui sâest passĂ© dans leur vie pour quâils se rendent lĂ . Je donne exactement le mĂȘme effort pour tout le monde. Puis, in extremis, une ligne lancĂ©e au hasard a mordu. Un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone au Bangladesh. On nâavait aucune information sur la famille. MĂȘme pas un nom, se rappelle la policiĂšre. Il fallait que jâessaie des affaires. Ă un moment donnĂ©, jâai eu un numĂ©ro qui me semblait intĂ©ressant. Je lâai essayĂ©, comme ça, en fin de shift, et je suis tombĂ©e sur quelquâun qui parlait anglais. » Au bout du fil, câĂ©tait la niĂšce de la dĂ©funte. âąâąâą On nâen croyait pas nos oreilles quand la gentille policiĂšre du Canada nous a informĂ©es que ma tante Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ©e », me raconte Francisca Bithi Sarkar. Je la joins un soir dâaoĂ»t Ă Dacca, la capitale surpeuplĂ©e du Bangladesh que les pluies diluviennes de la mousson viennent dâinonder. On nâarrĂȘtait pas de lui demander âEn ĂȘtes-vous sĂ»re ? Ătes-vous sĂ»re que câest bien elle ?â On Ă©tait sous le choc », me dit-elle dâune voix chantante et dĂ©licate, dans un anglais Ă peine trĂ©buchant. En sourdine, jâentends sa mĂšre, Cicilia Kobita Sarkar, sĆur cadette de la disparue, complĂ©ter en bengali les propos de sa fille. QuatriĂšme et cinquiĂšme dâune famille de 11, les deux sĆurs ne sâĂ©taient pas vues depuis plus de 20 ans, mais leur attachement ne sâĂ©tait pas dĂ©menti. Monika Margaret Sarkar considĂ©rait sa niĂšce Bithi comme sa fille, mĂȘme si elle ne lâavait jamais vue autrement que sur les photos quâelle rĂ©clamait quâon lui envoie lorsquâelles se parlaient au tĂ©lĂ©phone. Je lâappelais maman, dit la jeune fille de 19 ans en Ă©chappant un sanglot. Le plus triste, câest de penser quâelle Ă©tait complĂštement seule au Canada, quâon ne pouvait pas ĂȘtre avec elle. » Le rĂ©cit que la sĆur et la niĂšce me font de sa vie est plein de trous et dâimprĂ©cisions ; de vastes pans de son existence leur demeurent inconnus. Elles dĂ©crivent une femme aimante et joyeuse, durement fragilisĂ©e par lâexil et la solitude. Margaret sâĂ©tait Ă©tablie au QuĂ©bec vers lâĂąge de 40 ans, aprĂšs ĂȘtre passĂ©e par lâItalie et la France. Elle a tentĂ© Ă maintes reprises dây faire venir les siens â son mari, dont elle a dĂ» divorcer, son pĂšre, ses frĂšres et sĆurs, sa niĂšce â, mais les demandes dâimmigration ont Ă©chouĂ©, mâexplique Bithi. Ăa lâa profondĂ©ment dĂ©primĂ©e. Peu Ă peu, elle a perdu son Ă©quilibre mental. » Jamais ils nâont rĂ©ussi Ă la convaincre de rentrer au bercail. Câest la policiĂšre montrĂ©alaise qui leur a appris que leur bien-aimĂ©e Margaret avait succombĂ© Ă un cancer du poumon Ă lâhĂŽpital. Bithi et sa mĂšre auraient voulu sauter dans un avion pour venir quĂ©rir sa dĂ©pouille, voir au moins une derniĂšre fois son visage. Mais les coĂ»ts du voyage les ont dĂ©couragĂ©es. Et de toute façon, ce nâĂ©tait plus possible. Il nâĂ©tait plus question pour lâentrepreneur funĂ©raire de leur montrer le corps dans cet Ă©tat. Pendant quâelles tergiversaient Ă Dacca, la dĂ©pouille dĂ©pĂ©rissait Ă MontrĂ©al, Ă Bleu Ciel Espace Hommage, un salon mortuaire installĂ© dans une ancienne banque. La salle rĂ©frigĂ©rĂ©e est amĂ©nagĂ©e dans la chambre forte, derriĂšre une Ă©paisse porte de mĂ©tal dissimulĂ©e par un rideau. On peut y dĂ©poser presque une trentaine de cadavres, quoique Ă ce nombre ils seraient Ă lâĂ©troit dans ce lieu exigu. Pas lâendroit idĂ©al pour entreposer des corps Ă long terme. La famille ne savait pas sur quel pied danser. Il y a eu des dĂ©lais pour quâon se comprenne sur ce quâils voulaient faire, mâexplique le directeur, Martin Bolduc, dans le salon oĂč rĂšgne la puissante odeur dâun dĂ©sodorisant floral. La dame nâĂ©tait plus dans un bon Ă©tat. Ăa nâavait plus de bon sens, il fallait faire quelque chose. Jâai mĂȘme Ă©tĂ© obligĂ© de monter un peu le ton, de mettre de la pression. Quand ils sont Ă distance, ça peut ĂȘtre compliquĂ©. » Dans ce genre de cas extrĂȘme, la maison prĂ©serve le corps dans une boĂźte de mĂ©tal scellĂ©e judicieusement placĂ©e sous le systĂšme de ventilation, au fond de la chambre forte, pour le garder le plus au frais possible. Ce nâest quâen fĂ©vrier, plus de cinq mois aprĂšs son dĂ©cĂšs et grĂące Ă lâintervention dâune autre membre de la famille Ă©tablie aux Ătats-Unis, que Margaret a finalement pu ĂȘtre incinĂ©rĂ©e. Ne restait quâĂ lâenvoyer auprĂšs des siens. âąâąâą Les deux sĆurs habitaient autrefois aux abords dâune immense forĂȘt cĂŽtiĂšre, appelĂ©e Sundarbans, oĂč lâon peut croiser des tigres du Bengale, dans le sud du Bangladesh. Adolescentes, elles avaient dĂ» quitter le nid familial pour poursuivre leurs Ă©tudes dans la grande ville. Le printemps dernier, la cadette a refait le trajet de huit heures dâautobus jusquâĂ Malgazi, le hameau de leur enfance, une urne en laiton posĂ©e sur le siĂšge dâĂ cĂŽtĂ©. Le voyage de Margaret allait sâachever lĂ oĂč il avait commencĂ©. Les restes de Margaret allaient finir empaquetĂ©s avec les autres cartons de cendres dans la caisse en bois du Repos Saint-François dâAssise. CâĂ©tait une question de jours. Le 27 avril, par une journĂ©e Ă©crasante, au moins 150 personnes se sont entassĂ©es dans lâĂ©glise catholique du village pour lui dire adieu. Je suis tellement heureuse dâavoir au moins pu lui rendre un dernier hommage, mĂȘme si on nâa jamais pu voir son corps, raconte sa niĂšce Bithi au bout du fil. Ăa faisait presque huit mois quâelle Ă©tait morte. Si on tarde Ă mettre quelquâun en terre, son Ăąme nous implore âSâil vous plaĂźt, enterrez-moi, apportez-moi la paix.â » Ses restes ont Ă©tĂ© ensevelis auprĂšs de ceux de sa parentĂ©, dans le cimetiĂšre. Lâemplacement est marquĂ© dâune modeste croix de bois, sur laquelle on a inscrit son nom. Chacun pour soi La vie en solitaire est devenue la norme au pays. Les personnes habitant seules reprĂ©sentent dĂ©sormais 28 % des mĂ©nages au Canada, selon le dernier recensement, et câest au QuĂ©bec que la proportion est la plus Ă©levĂ©e, Ă 33 %. Le vieillissement de la population ne fera quâaccentuer la tendance, puisque les personnes ĂągĂ©es sont plus susceptibles que les autres groupes dâĂąge de vivre en solo. Lâun des grands dĂ©fis de notre Ă©poque sera de leur permettre de maintenir leur indĂ©pendance, tout en neutralisant le risque quâelles meurent prĂ©cocement ou sans secours. Car la solitude en soi peut ĂȘtre mortelle. Les spĂ©cialistes la considĂšrent comme un mal aussi toxique que le tabagisme, le manque dâexercice ou lâobĂ©sitĂ©. Dans une mĂ©ta-analyse parue en 2015 dans la revue Perspectives on Psychological Science, des chercheurs calculent que le fait de vivre seul augmente le risque de mourir de 32 % ; ĂȘtre isolĂ© socialement, câest-Ă -dire avoir peu dâinteractions avec les autres, gonfle le risque de 29 % ; le simple fait de se sentir seul, de 26 %. Des initiatives voient le jour pour Ă©viter une mort solitaire aux personnes ĂągĂ©es ou vulnĂ©rables. En sâabonnant au programme Pair, les gens reçoivent un appel automatisĂ© chaque jour, Ă lâheure de leur choix ; aprĂšs trois appels sans rĂ©ponse, une alerte se dĂ©clenche et un rĂ©pondant un proche, un voisin ou un policier est envoyĂ© Ă leur domicile pour sâassurer quâils sont hors de danger. GĂ©rĂ© localement par des corps policiers, des municipalitĂ©s ou des organismes communautaires, le programme est offert gratuitement dans 70 % des MRC du QuĂ©bec, et un comitĂ© travaille Ă lâĂ©tendre Ă lâensemble de la province. Le service aurait permis de secourir, depuis lâannĂ©e 2000, quelque 500 personnes qui avaient subi une chute ou un malaise alors quâelles se trouvaient seules Ă la maison et incapables dâappeler Ă lâaide. Ăa remplace le rĂ©seau social », rĂ©sume Paul Tear, policier responsable de lâagence Pair de Magog et prĂ©sident du comitĂ© provincial. Le logiciel procure aussi des attentions plus⊠personnelles. Le jour de lâanniversaire de lâabonnĂ©, le systĂšme lui fait entendre, lorsquâil dĂ©croche le tĂ©lĂ©phone, des vĆux de fĂȘte prĂ©enregistrĂ©s, chantĂ©s par Michel Louvain. Dans le mĂȘme esprit, lâOffice municipal dâhabitation de MontrĂ©al OMHM, voyant que ses occupants sont de plus en plus vieux et isolĂ©s, a mis en place le programme Un vigilant veille sur vous. Chaque soir avant de se coucher, les locataires accrochent une affichette Ă leur poignĂ©e de porte et la retirent le matin en se levant. Lors de leurs rondes quotidiennes, des rĂ©sidants bĂ©nĂ©voles repĂšrent ceux qui nâont pas enlevĂ© leur affiche et contactent, si nĂ©cessaire, un rĂ©pondant ou les services dâurgence. Actifs dans la moitiĂ© des 138 immeubles pour aĂźnĂ©s de lâOMHM, ces vigilants » auraient sauvĂ© quelques dizaines de vies depuis une dĂ©cennie, Ă©value le responsable du programme, Michel Fortin. Or, il est parfois ardu de convaincre les gens de sâinscrire, tant pour offrir ce genre de soutien que pour en recevoir. Il y a un syndrome âje me mĂȘle de mes affaires, ils feront pareil jâespĂšreâ, poursuit Michel Fortin. On ne veut pas exposer sa vie privĂ©e, se faire dĂ©ranger, ou bien on est orgueilleux et on se dit quâon nâa pas besoin de ça. On a beaucoup de travail de mobilisation Ă faire. » Le climat quâil dĂ©crit nâest pas propre aux HLM montrĂ©alais. Ce repli sur soi, cette hĂ©sitation Ă cogner Ă la porte du voisin et Ă lui ouvrir la nĂŽtre, ce sont des rĂ©flexes plus ancrĂ©s quâon le pense dans la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise. Selon une enquĂȘte de Statistique Canada, publiĂ©e en 2015 et basĂ©e sur les rĂ©ponses de 73 000 personnes, les QuĂ©bĂ©cois sont davantage retranchĂ©s au sein de leur clan familial et moins portĂ©s Ă cultiver leurs amitiĂ©s, Ă frĂ©quenter leurs voisins et Ă faire confiance aux Ă©trangers, lorsquâon les compare aux Canadiens des autres provinces. Par exemple, câest au QuĂ©bec que les gens sont les moins nombreux Ă se rendre service rĂ©guliĂšrement entre voisins. Câest Ă©galement ici quâon mesure les niveaux de confiance les plus faibles envers les habitants du voisinage et les inconnus. Et puis, presque les deux tiers des QuĂ©bĂ©cois croient quâon nâest jamais trop prudent dans nos relations avec les gens », un taux nettement plus Ă©levĂ© que nâimporte oĂč ailleurs au pays. Pour Ă©viter quâun si grand nombre de QuĂ©bĂ©cois meurent dans lâabandon, ça prendra bien plus que des appels automatisĂ©s et des affichettes accrochĂ©es aux portes. Il faudra rĂ©parer ces brĂšches dans le tissu social. Photo Leda&St-Jacques Câest justement en songeant aux vieillards qui sâĂ©teignent sans que personne sâen aperçoive que Nadine Maltais a eu lâidĂ©e de Voisins solidaires, une initiative mise sur pied avec ses collĂšgues du RĂ©seau quĂ©bĂ©cois de Villes et Villages en santĂ©. Le but nâest rien de moins que de changer la culture â de rĂ©apprendre aux QuĂ©bĂ©cois Ă veiller les uns sur les autres dans leurs quartiers, afin que les personnes ĂągĂ©es puissent vieillir chez elles en sĂ©curitĂ©. Ăa peut ĂȘtre aussi facile que de vĂ©rifier si la vieille dame dâĂ cĂŽtĂ© a ouvert ses rideaux le matin. On a besoin de nouvelles solutions sociales pour relever le dĂ©fi du vieillissement, dit-elle. Le voisinage en est une. Actuellement, on est plutĂŽt dans une norme de cĂŽtoiement respectueux et dâignorance mutuelle. Les gens se disent je paie des taxes, il y a plein de programmes sociaux, alors ça ne me regarde pas de mâoccuper des gens autour qui ne sont pas des proches. Pourtant, les QuĂ©bĂ©cois, dĂšs quâil arrive une catastrophe, sont prompts Ă sâoccuper des autres. Mais il faut quelque chose de grave, on dirait. Nous, on souhaite installer cette solidaritĂ© en continu, au quotidien. » Une campagne a Ă©tĂ© lancĂ©e en novembre Ă lâĂ©chelle du QuĂ©bec pour Ă©duquer le grand public aux vertus du bon voisinage. Prochaine Ă©tape encourager les villes et les organismes communautaires Ă prendre des mesures pour stimuler la convivialitĂ© sur leur territoire. Sây prĂ©parer Jean-Pierre Roux se sait Ă trĂšs haute probabilitĂ© de mourir seul », et il a choisi de sây prĂ©parer. Ce vieux garçon de 74 ans, ancien professeur de physique au cĂ©gep et patenteux informatique de la premiĂšre heure, vit en semi-rĂ©clusion dans un domaine privĂ© des Laurentides, au bord dâun lac. Sa maison a pour principales qualitĂ©s Ă ses yeux dâĂȘtre entourĂ©e dâarbres qui lâisolent des autres riverains, et dâĂȘtre assez grande pour accueillir son piano de concert. Lâendroit est difficile Ă trouver, au dĂ©tour dâun chemin de terre, et son entrĂ©e abrupte est pĂ©rilleuse en hiver. Jâai craint de me casser le cou en mây aventurant par une journĂ©e glacĂ©e. Ici, Jean-Pierre peut passer un mois sans voir personne. Dâun naturel Ă la fois anxieux et systĂ©matique, il a conclu un accord avec une amie de longue date. Le mercredi et le dimanche, il doit lui envoyer un courriel ; si elle ne reçoit rien, elle a pour consigne de lui tĂ©lĂ©phoner et, sâil ne dĂ©croche pas, de contacter un voisin, sinon le 9-1-1. Sur un pupitre sont dĂ©posĂ©es, bien en Ă©vidence, des instructions Ă suivre si on le trouvait mort ou blessĂ©. Pour le moment, ses journĂ©es sont pleines. Tous les jours, il sâexerce au piano pendant quatre heures ; il fait une marche dans les bois ou un tour de chaloupe ; il lit des manuels de physique quantique, pour le plaisir, comme dâautres feuillettent des revues de jardinage. RĂ©guliĂšrement, il donne des leçons de piano Ă la fille de 11 ans de sa grande amie, par lâintermĂ©diaire dâun appel vidĂ©o. On a besoin de nouvelles solutions sociales pour relever le dĂ©fi du vieillissement. Le voisinage en est une. Actuellement, on est plutĂŽt dans une norme de cĂŽtoiement respectueux et dâignorance mutuelle. Sous ses dehors de vieil excentrique aux cheveux fous, enclin aux digressions mĂ©taphysiques, je le dĂ©couvre aussi sentimental quâil est misanthrope, gauche mais dâune gentillesse infinie, nonchalant face Ă la mort et pourtant terrifiĂ© par elle, et seul. Ses parents ne lui ont pas laissĂ© de bons souvenirs â il ne sâest pas prĂ©sentĂ© aux obsĂšques de son pĂšre â et son seul frĂšre survivant est Ă peu prĂšs absent de sa vie. Jâai lâimpression que ce que jâavais Ă faire, je lâai fait », me dit-il. Bah ! il y a bien une partition athlĂ©tique de Ravel â Gaspard de la nuit â quâil lui tarde de maĂźtriser. Mais sinon, Jean-Pierre se dit prĂȘt Ă partir. Il y a quelque temps, un virus redoutable lâa clouĂ© au lit pendant plusieurs jours et, croyant confusĂ©ment que ça y Ă©tait, il sâest laissĂ© glisser. JâĂ©tais sĂ»r que jây passerais. Je nâai pas eu le rĂ©flexe dâappeler au secours, je suis allĂ© me coucher et jâai continuĂ© Ă descendre. JâĂ©tais bien, me raconte-t-il. Je pourrais mâillusionner sur lâimportance que je peux avoir. MĂȘme mes bons amis, je les vois une fois, deux fois par annĂ©e. Quâest-ce que ça peut changer que je sois lĂ ou pas ? » Si la hantise de mourir seul Ă domicile le tourmente, ce nâest pas par crainte de nâĂȘtre pas secouru Ă temps, jure-t-il. Câest plutĂŽt Ă cause de la petite pianiste en herbe pour qui il sâest pris dâun amour paternel, et Ă qui il espĂšre lĂ©guer sa demeure en hĂ©ritage. Je veux que ma maison reste intacte. Si je reste un mois Ă me dĂ©composer, ils pourraient ĂȘtre obligĂ©s de la raser. Ce nâest vraiment pas pour quâon vienne me sauver in extremis au cas oĂč je me casserais une jambe ! dit-il dâun air mi-sĂ©rieux, mi-amusĂ©. Mon hĂ©ritiĂšre mâincite Ă prendre des moyens pour le moment oĂč elle aura ma maison et mon piano. Câest une pensĂ©e trĂšs agrĂ©able pour moi de lâimaginer avec mes affaires. » LâidĂ©e de son corps en putrĂ©faction dans la future rĂ©sidence de la fillette le rĂ©vulse davantage que la mort elle-mĂȘme. Alors, il envoie ses deux courriels par semaine. Câest un motif saugrenu, peut-ĂȘtre ; câest nĂ©anmoins ce qui le garde en vie. âąâąâą * Par souci de confidentialitĂ©, nous ne dĂ©voilons pas le nom de famille complet de ces dĂ©funts. Le20 mai dernier, Michel Herwats a perdu la vie aprĂšs ĂȘtre restĂ© coincĂ© dans une fosse Ă purin en tentant de sauver lâun de ses amis. Le Limbourgeois sera enterrĂ© ce 24 mai Ă Bilstain. Un pompier revient avec nous sur les dangers des fosses.- ŐŐŁĐŸáŃŃÖ
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Solutionsde mots croisĂ©s et mots flĂ©chĂ©s pour RISQUE DE FINIR DANS UNE FOSSE COMMUNE - 20 solutions de 2 Ă 14 lettres Le caractĂšre joker est * mais vous pouvez utiliser la "barre d'espace" Annuler Chercher Afficher les rĂ©sultats par nombre de lettres 2 3 4 5 6 7 8 9 10 14 20 RĂPONSES PROPOSĂES PAR UN AMI : * INSTRUMENTISTE (14) TINETTE (7)
Lyrics dessus ma porte "FermĂ© pour cause d'enterrement" J'ai quittĂ© la vie sans rancune J'aurai plus jamais mal aux dents Me v'lĂ dans la fosse commune La On a marque dessus ma porte "FermĂ© pour cause d'enterrement" J'ai quittĂ© la vie sans rancune J'aurai plus jamais mal aux dents Me v'lĂ dans la fosse commune Des coprophages la tribune, SociĂ©tĂ© sale Ă satiĂ©tĂ© Blottie dans la fosse commune GĂ©nocidĂ©e par mon gĂ©nie ? Je n'Ă©tais que, pour ma survie... De ton tam-tam jam ethnique contemporain Au faĂźte du mont Ferland Je constate notre dĂ©raison comme une fosse commune Et titre Ă la Une que les tunes acerbes Comment ça se fait qu'on se retrouve dispersĂ©s dans des fosses communes Contrairement Ă ce qu'on dit J' suis nĂ© Ă Butare dans le centre des bandits AccompagnĂ© Ă la fosse commune par un chien et des fantĂŽmes Renoir avait les doigts crochus de rhumatisme Ravel avait dans la tĂȘte une tumeur qui lui suça AccompagnĂ© Ă la fosse commune par un chien et des fantĂŽmes Renoir avait les doigts crochus de rhumatisme Ravel avait dans la tĂȘte une tumeur qui lui suça Fosse commune des rĂȘves abolis, DĂ©dale de pleurs et de cendres s'extirpant du NĂ©ant Grotesque galerie de visages lĂ©thargiques Mon chemin de croix, mur Sans tambour ni trompette - j'ai mal... Toi qui meurs un peu comme moi, Faisons fosse commune ! Je me pĂąme devant les bolets roses, Mais si les Fosse commune Ensemble Nous rejoignons nos pairs sable s'Ă©grainant vers son ampoule la plus profonde. Apercevoir les contours d'un nuage, d'une odeur, Dans cette fosse commune sans parfum ni couleur, culot de chasser Les poĂštes de la citĂ© DĂ©mocratie aseptisĂ©e Pour du vent et pour des prunes Les maux de l'homme jetĂ©s Aux pourceaux Dans la fosse immense caveau, Qui contient plus de morts que la fosse commune. Je suis un cimetiĂšre abhorrĂ© de la lune, OĂč comme des remords se traĂźnent de longs vers terre, A`la voute cĂ©leste naissante aux fusĂ©es de dĂ©tresse, usĂ©es, assourdissantes Au terrorisme d'Etat, Ă l'obscurantisme grandissant, aux fosses accro Car aujourd'hui le vrai le faux Ne se voie plu trop au premier coup d Ćil J envoi le son des waks Ă la morgue fosse commune pas de recueil Rien Par la NuĂ©e bleue, un nouveau cortĂšge en marche Les prĂȘtres bĂ©nissent les macchabĂ©s drapĂ©s Dans les fosses communes oĂč les damnĂ©s se cachent Sois sĂ»r que dans mon blĂšde je n'aurai jamais d'rue Putain faut que j'me taille Regarde ils veulent me jeter au fond de leur fosse commune ObscĂšne me dit vos crimes vos erreurs En remplissant l'histoire et ses fosses communes Que je chante Ă jamais celle des travailleurs Ma France Celle qui ne vos crimes vos erreurs En remplissant l'histoire et ses fosses communes Que je chante Ă jamais celle des travailleurs Ma France Celle qui ne qu'on m'inhume Mais j'ai les moyens que de la fosse commune. Un jour c'est vrai je vais finir par me trouver un flingue Et je descendrai dans la rue, remplissant lâhistoire et ses fosses communes Que je chante Ă jamais celle des travailleurs Ma France Celle qui ne possĂšde en or que ses nuits blanches Pour la dĂ©raison comme une fosse commune Et titre Ă la Une que les tunes acerbes ProcĂšdent Ă un gĂ©nocide de l'Ă©thique Et dĂ©sherbe la libertĂ© au nom d'la libertĂ© commune Depuis les idĂ©aux sont morts, fosse commune Aux antipodes de la pleinitude Comment ralier le peuple, si on incendie ses vĂ©hicules La confiance AccompagnĂ© Ă la fosse commune par un chien et des fantĂŽmes Renoir avait les doigts crochus de rhumatisme Ravel avait dans la tĂȘte une tumeur qui lui suça We need you! Help build the largest human-edited lyrics collection on the web! Browse Quiz Are you a music master? » What boy band is Louis Tomlinson in? A. Five Directions B. One Addition C. One Direction D. Four Directions Ily a 6 ans ce terrain est entrĂ© dans le PLU de la commune. Un promoteur immobilier m'a fait une offre pour ce terrain, offre que nous avons acceptĂ© en signant un sous seing privĂ©. La construction du promoteur est divisĂ© en 3 tranches , hors nous devions ĂȘtre dans la premiĂšre tranche de construction et le promoteur a finalement changĂ© et nous sommes Proche-Orient Le ministĂšre de l'intĂ©rieur syrien a dĂ©menti, mardi, l'existence d'une fosse commune dans la ville de Deraa, foyer de la contestation lancĂ©e il y a deux mois, dĂ©nonçant "une campagne calomnieuse" des mĂ©dias "pour dĂ©stabiliser la Syrie". Le ministĂšre de l'intĂ©rieur syrien a dĂ©menti, mardi 17 mai, l'existence d'une fosse commune dans la ville de Deraa, foyer de la contestation lancĂ©e il y a deux mois. "Dans le cadre de la campagne calomnieuse, d'incitation, [de diffusion d'informations] montĂ©es de toutes piĂšces, lancĂ©e contre la Syrie, et les tentatives continues de porter atteinte Ă sa stabilitĂ© et Ă la paix de ses citoyens, certaines chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision et mĂ©dias ont publiĂ© une information, citant des tĂ©moins oculaires, faisant Ă©tat de l'existence d'une fosse commune Ă Deraa", a indiquĂ© l'agence officielle SANA, citant un responsable au ministĂšre de l'intĂ©rieur. "Cette information est totalement fausse", a indiquĂ© ce responsable, selon SANA. "Nos citoyens sont conscients de cette campagne tendancieuse dont les objectifs et le timing sont dĂ©sormais clairs, en particulier aprĂšs le retour progressif de Deraa Ă la vie normale", conclut l'agence syrienne. Lundi, le militant Ammar Qurabi, de l'Organisation nationale pour les droits de l'homme en Syrie, joint par tĂ©lĂ©phone en Egypte, avait fait Ă©tat de la dĂ©couverte d'une "fosse commune" dans la vieille ville de Deraa, une ville du sud de la Syrie, foyer de la contestation contre le rĂ©gime du prĂ©sident Bachar Al-Assad. Son affirmation ne pouvait ĂȘtre vĂ©rifiĂ©e de maniĂšre indĂ©pendante, les autoritĂ©s empĂȘchant les journalistes de se dĂ©placer librement Ă travers le pays. L'armĂ©e avait investi Deraa, situĂ©e Ă 100 km au sud de Damas, le 25 avril pour y mater la contestation, avant de s'en retirer, le 5 mai. En savoir plus - Pour mieux connaĂźtre la situation dans ce pays, le blog Un Ćil sur la Syrie. Le Monde avec AFP Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă la fois Ce message sâaffichera sur lâautre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce quâune autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. 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